FRACTURES FERTILES

« Fracture fertile » déploie un univers organique où les verts denses — presque chlorophylliens — entrent en tension avec des rouges profonds, terreux, sanguins. L’ensemble évoque un affrontement souterrain entre forces de croissance et forces d’arrachement. Rien n’est stable ici : les masses chromatiques s’arrachent, s’imbriquent, se repoussent — comme si la peinture elle-même mimait le processus vital de germination ou de décomposition.

GABAN ne décrit pas un paysage. Iel évoque ce qui travaille sous la surface : une géologie du vivant, un affrontement des éléments, un lieu où la couleur devient matière. Les coulures ne fuient pas, elles raclent. Les taches ne flottent pas, elles s’enracinent. C’est une œuvre de tension, mais aussi de fertilité — d’où son titre.

Le rouge n’est pas décoratif, il pulse comme une artère. Le vert n’est pas apaisant, il se hérisse, envahit, s’épanche. Entre les deux, des vides, des respirations sombres, qui permettent à l’œil de circuler.

L’alliance verte/rouge est ici traitée avec une audace rare : loin de tomber dans le contraste décoratif, elle révèle une dynamique de conflit fertile.

Le geste est profondément incarné, presque tactile : on y sent une main qui cherche la terre, la chair, le nerf.

La composition laisse émerger une forme de narration instinctive, sans figuration : c’est un récit par la matière.

Une puissance chromatique rare, où le vert cesse d’être apaisant pour devenir dramatique, habité.

Le rouge, loin des clichés émotionnels, s’inscrit ici dans un registre profond, presque archaïque.

Une composition tendue, qui retient le regard sans jamais l’apaiser : un espace plastique actif.